
Querelles de voisinage
Les litiges entre voisins ne représentent qu’une faible part des affaires traitées par la justice seigneuriale de Jouqueviel de 1767 à 1789. Ce sont les plaintes pour dettes (essentiellement prêts non remboursés, loyers de la terre et achats non payés) qui arrivent largement en tête avec environ 47 % des audiences, suivies mais d’assez loin, par les querelles familiales (successions et dots) qui en occupent un quart.
Si conflits du travail et du voisinage ne sont pas négligeables avec une part d’environ 8 %, ils ne jouent cependant qu’un rôle secondaire dans les plaintes, même si, par ailleurs, il s’agit des formes essentielles des « frictions » sociales dans la communauté de l’époque.
Elie Pélaquier (Élie Pélaquier, « Les chemins du contrôle social entre famille et communauté : le cas de Saint-Victor-de-la-Coste en Bas-Languedoc, au XVIIIe siècle », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, Vol. 1, n°2,1997, page 35, (note 33), dans le village de Saint-Victor-de-la-Coste (Gard), pour la période 1691-1789, a relevé une hiérarchie des affaires assez semblable, où conflits familiaux et dettes dominent largement mais avec un rôle des dettes encore plus puissant (82 % des audiences !). Rien d’étonnant : les études sur l’endettement dans l’Europe moderne soulignent son omniprésence chez les citadins comme chez les ruraux et nous avons vu, supra, leur importance locale. A Sainte-Gemme (à une vingtaine de kilomètres de Jouqueviel) où il y a deux justices seigneuriales, Monique Douzal, sans fournir de proportions chiffrées, décrit une structure des plaintes traitées fort proche de la nôtre.
Précisons que de 1778 à 1786, aucune affaire de conflit de voisinage n’est présente dans les archives, alors qu’auparavant le « juge-avocat » en traitait au minimum un cas par an. Pertes de dossiers ? Ou transfert systématique, s’il y a violence, à la viguerie de Lagarde Viaur ? Quoi qu’il en soit, même avec dix cas supplémentaires (ceux connus de la viguerie), le poids des querelles de voisinage resterait marginal.
Les plaintes font apparaître une conflictualité prioritairement centrée sur la terre, sa possession et son usage, nous l’avons évoquée plus haut, tout comme celle liée aux querelles familiales (dots et héritages). Ces querelles peuvent s'enflammer et devenir violentes (voir chapitre spécifique).
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