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            En 1696, avec en moyenne 15 % des ménages « capités », les artisans et commerçants pèsent peu dans la société locale. Ce chiffre ne représente pas tout à fait la réalité, car le rôle de la capitation a tendance a systématiquement recenser comme paysans des chefs de ménage qui sont par ailleurs dans les minutes notariales signalés comme artisans. Il est aussi vrai que beaucoup d’artisans sont aussi à moitié paysans …

              Ne chicanons pas, quel que soit leur poids exact, artisanat et commerce locaux se limitent aux métiers indispensables pour satisfaire les besoins primaires de toute communauté humaine, c'est-à-dire ceux qui concernent l’habillement au sens large (textile et sabotier plus quelques rares cordonniers)  et la maison (la forge/serrurerie, la maçonnerie et la charpente/menuiserie). Bouchers, boulangers, tanneurs, selliers, on pourrait allonger la liste de ces artisans plus urbains  qui sont absents des registres de la capitation de nos communautés.

             Un siècle plus tard, en 1784, on peut noter la présence d’un boucher, Pierre Martin, à Montirat et même si l’on ne dispose pas de statistiques complètes comme avec le rôle de la capitation, la fréquence de la présence des artisans dans les actes notariés comme dans les procédures judiciaires est plus grande et la gamme des professions plus large (cordonnier, menuisiers, serruriers, tous plus nombreux qu’un siècle plus tôt). Mais ces évolutions ne doivent pas masquer l’essentiel : l’artisanat reste « anémique » et l’absence des métiers de l’alimentation perdure, ce qui implique toujours la fabrication paysanne du pain et l’abattage sur place des animaux consommés ; longues traditions (pour le porc surtout) et qui se sont perpétuées jusqu’au vingtième siècle. Pour les quelques objets nécessaires dans la vie quotidienne, mais non fabriqués sur place, comme par exemple les poteries ou le verre, les foires y pourvoyaient.

          Guillaume Gras dans son étude (« L’Albigeois à la fin du XVII e. Familles et métiers au sortir de la crise de 1693-94 ».), indique que dans le Ségala, seule la communauté de Moularés possédait presque un actif sur deux non paysan, grâce à sa position sur l’axe Albi-Rodez. Nos trois communautés globalement sont éloignés de ce modèle, seuls des hameaux comme ceux de Bourgnounac, avec 40 % de ménages non paysan ou Montirat avec 47 % d’artisans chefs de ménage s’en rapprochent mais avec un éventail limité de professions (tisserand, maçon, forgeron et charpentier). Ailleurs, le nombre, comme la gamme, des artisans sont restreints. La communauté la plus paysanne est celle de Jouqueviel (85 % des actifs) qui en dehors des métiers du textile n’a qu’un maçon (aux Infornats). Le hameau le plus important, Lagarde Viaur (72 foyers), s’il n’a pas véritablement de concentration marquée d’artisans (un quart des ménages, contre la moitié de brassiers) se distingue par la présence d’un personnel judiciaire (au sens large) absent ailleurs : Jean Antoine Moly, « juge pour Monseigneur larchevesque d’Alby », Jean Gairard, «greffier  pour Monseigneur larchevesque d’Alby », Jean Miquel «procureur juridictionnel pour Monseigneur larchevesque d’Alby » , Sieur Antoine Gaillard, « receveur des chambres » . A ce "greffon judiciaire", lié au fait que Montirat est sous la directe de l’archevêché, on peut aussi ajouter une veuve de notaire, un chirurgien et un bourgeois mais cela fait encore trop peu pour véritablement parler d’une bourgeoisie rurale.

 Thierry COUËT , "Entre Viaur et Candour  1600-1789"

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