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              « Le septième de janvier, au dit an, en Albigeois, l'hiver commença rudement ; il fit quantité de neige jusqu'au vingt février ; les arbres furent pendant plusieurs jours couverts de glaçons, ce qu'on appelle vulgairement le givre, et le froid fut si rude qu'on ne se souvenait plus d'en avoir vu de semblable*. Le vin glaçait dans les caves et faisait fendre les barriques ; le pain se gelait en quelque endroit que ce fut et jusqu'au 25 février. Les noyers périrent entièrement, plusieurs chênes et quantité de pruniers et autres arbres fruitiers se séchèrent, ce qui causa une si grande disette qu'on fut obligé à Albi de tenir le blé à 14 livres le setier et d'en empêcher la sortie, les mois de mai, juin, juillet et août. Il vint jusques audit temps à 20 livres le setier et on obligea, par ordre de Sa Majesté, de faire le dénombrement des grains que chaque particulier avait audit an, à la récolte qui fut le 16 d'août. Le blé valait à Albi 24 livres le setier, le seigle 18 livres, les fèves autant, ce qui dura jusqu'aux semailles. Est remarquer qu'au mois d'octobre, audit an, la rivière du Tarn inonda si fortement que l'eau montait jusque près la porte de l'église de la Madeleine, ce qui causa beaucoup de dommage : elle emporta les toits des moulins d'Albi jusques à Gaillac ; elle passait sur le chemin d'Albi à Cordes et inondait partie de la plaine qui est le long dudit chemin, en sorte que pour aller d'Albi à Cordes il fallait prendre le chemin d'Albi à Mailhoc, et l'eau abatit plusieurs maisons du côté des Avalats. Cette inondation donna de la crainte à toute la ville d'Albi qui fit une procession générale pour prier Dieu de vouloir apaiser cette inondation. »

               On peut compléter cette description d'un curé de paroisse par celle du livre de raison de la famille de Séguret (Rodez) :

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             « Cette année là a été plus déséreuse que celles de 1693-1694, l’hiver ayant été si rude que la grande partie des blés d’hiver ont péri, y ayant plusieurs provinces où l’on a pas seulement recueilli pour la semence et où l’on a réservé les champs semés du blé d’hiver, d’orge ou d’avoine de mars dont la récolte a été assez bonne. Les noyers, les châtaigniers et presque tous les arbres fruitiers, poiriers, pommiers et fruits à noyau ayant aussi péri par la vigueur du froid qui a commencé le 6 janvier de la dite année 1709 et n’a duré que quinze jours, que les rivières ont été entièrement glacées jusqu’à vingt pieds* de profondeur […]

            Il a fait au mois de mars de la même année un froid moins rude et moins sensible qui n’a duré que sept ou huit jours mais on prétend qu’il a fait autant et plus de mal aux arbres et aux plantes que le premier ce qui n’est pas vraisemblable […]

            Au lieu de pain on faisait de la bouillie, on a trouvé que par ce moyen on épargnait presque la moitié de la farine et que cette nourriture était bonne et proportionnelle à la faiblesse de l’estomac des gens qui l’avaient affaibli par la faim ou la diète. Cette famine a été accompagnée de fièvre très malignes qui ont fait un grand ravage et ont été suivies de dysenterie, de fluxions rhumatiques, de scorbut même en plusieurs provinces et de diverses maladies qui n’ont cessé que vers le mois d’octobre et novembre de l’année 1710. »

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               Effectivement, dans la « nuit des Rois », du 5 au 6 janvier 1709, la température s’est effondrée très brutalement pour atteindre - 20°C. Le gel s’installe jusqu’au 24 janvier et pendant ces 18 jours, la température est, à Paris, toujours inférieure à - 10°C et pendant 11 jours en dessous de - 15°C ; le 20 janvier elle est même descendue en dessous des moins vingt degrés, en quelque sorte notre limite mentale des « grands froids » (à Paris en tout cas !). Un petit redoux trompeur qui permet le dégel de la Seine, de la Garonne, du Tarn et  â€¦ du Viaur, puis à la fin février une nouvelle vague de froid mais qui ne franchit la barre des moins dix degrés qu’un seul jour (le 24 février). Et ce n’est pas fini ! Un coup de gel tardif de printemps, signalé par de Séguret, vient compléter du 10 au 13 mars (à Paris) celui d’automne, précoce, de la fin octobre … Le printemps fut heureusement convenable et les semailles « des mars » (l’orge et l’avoine) compensèrent un peu - mais pas partout - le gel des semences d’automne. La famine et ses compagnes les épidémies n’en firent pas moins en France, 630 000 morts supplémentaires ; c’est beaucoup mais cependant presque trois fois moins qu’en 1693-94.

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               A noter, en matière d’excès les inondations que nous avons ignorées jusqu’ici ; le curé-doyen des Infournats note en fin de registre paroissial pour l’année 1770 : « Le 29 may 1770 ce  lieu fut innondé le dommage fut porté a plus de 6000 livres. » Les pluies abondantes ont provoqué cette année là des débordements spectaculaires des rivières du bassin de la Loire et de la Garonne provoquant des dégâts probablement supérieurs à ceux de  juin 1712. En 1772 ce sont les Cévennes qui connaissent le « déluge »,  et le pont du Diable sur le Viaur ne s’en remit pas.

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Une réplique de 1693-94

 

              Pour Albi et la région, la crise a été étudiée par Gilbert Floutard. Ses travaux montrent que le processus tragique des mortalités et ses effets (maladies, mendicité, hausse des prix etc. …) est une réplique quasi conforme de celui de 1693-94. Mêmes caractères et symptômes, il n’est donc pas utile d’en refaire une description, sauf pour effectuer quelques comparaisons.

 

              Du trio des calamités météorologiques, seul le froid agit en 1709. Dans un premier temps (janvier), la neige qui couvre le sol (dans la région parisienne en tout cas) joue son rôle protecteur des semences mais le redoux supprime cette protection et c’est la deuxième vague de froid (février) qui les gèle. Résultats locaux : le Ségala ne récolte qu’un tiers du seigle semé, les ceps de vignes ont gelé et beaucoup de châtaigniers aussi et il faudra attendre dans ce cas une bonne dizaine d’années pour retrouver une production conséquente. Si l’absence d’enchaînement infernal de perturbations météorologiques limite la crise de subsistance à l’année 1709 (bonne récolte en 1710) cela n’empêche pas le développement des maladies épidémiques. A Albi, le « pourpre », maladie mal déterminée (probablement le typhus ou la typhoïde ou une forme virulente de scarlatine ?) frappe, au début de 1710, des organismes affaiblis.

              Dans tous les cas que nous avons étudiés pour la région, c’est l’année 1710 qui est la plus meurtrière, même si la crise de mortalité démarre à l’automne 1709. Le décalage entre l’événement météorologique et ses effets est constitutif des crises de subsistance. C’est particulièrement net à Albi : 967 décès contre 302 pour les paroisses étudiées par Gilbert Floutard («  La crise de 1709-1713 à Albi », Mémoire de maîtrise, 1972, Toulouse Le Mirail). un peu moins à Naucelle (44 contre 88) ou aux Infornats (13 contre 21). Partout la crise est moins sévère qu’en 1693-1694 mais dans des proportions, là aussi, assez différentes. Deux fois moins violente aux Infornats et à Naucelle, elle se rapproche de sa congénère à Albi ou à Saint-André-de-Najac. Pour ces deux traits généraux, la région ne diffère pas du royaume.

               A Albi, le maximum des décès est estival, aux Infornats c’est en février et en mai qu’il atteint son apogée et à Jouqueviel en février-mars. Dans ses voyages mortels, l’épidémie a visiblement frappé à la porte du Ségala avant celle de l’Albigeois.

              Si à Albi, des actifs meurent en grand nombre, ce n’est pas le cas aux Infornats où la tranche d’âges des 20 à 60 ans ne représente que 20 % des décès alors que  les enfants de moins de 10 ans et les plus de 60 ans en forment les trois-quarts. La différence est notable avec 1693-94, quand personne ne fut épargné et où les actifs de 20 à 60 ans constituaient un tiers des sépultures.

               A Naucelle, ce sont les personnes les plus âgées qui meurent le plus en fréquence et à Jouqueviel, les enfants de moins de dix ans qui, à eux seuls, représentent la moitié des sépultures.

               Les épidémies peuvent localement être plus ou moins virulentes. Faibles, elles s’attaquent aux extrémités de la pyramide des âges : enfants et vieillards. Violentes, comme il semble que ce fut le cas à Albi, elles n’épargnent pas les adultes actifs, a priori physiologiquement moins affaiblis par la dénutrition. En outre, la concentration de la population en ville a sans doute facilité la diffusion épidémique. A Naucelle, Anne Marie Bouas a comparé le bourg et la campagne. En 1693-1694, c’est à la campagne que l’on meurt le plus (100 décès contre 72 au bourg) et en 1709-1710, c’est au bourg qu’il vaut mieux ne pas se trouver (34 décès contre dix à la campagne). On peut penser que cette différence est liée à certains aspects de la nature des crises. Dans la première, très fortement marquée par un gros et long déficit de subsistance (deux récoltes successives) qui désavantage les campagnes qui n’ont aucun moyen de s’approvisionner, on y meurt d’inanition plus « qu’au bourg » qui est désavantagé par sa densité lors de la seconde vague plus marquée par les épidémies qui auraient tué cette fois là plus que la faim (la récolte de 1709 n’est pas nulle puisqu’ on a pu semer parfois des « mars » et celle de 1710 fut bonne). Inanition ou épidémies, les deux fléaux de la balance infernale des crises de subsistances, en équilibre instable, penchent d’un côté ou de l’autre donnant aux mortalités leurs nuances locales.

 

              La crise de 1709-1710, pour les aspects spectaculaires des effets du gel est plus souvent mise en avant que la précédente, y compris parfois par les historiens, se montre pourtant nettement moins ravageuse que celle de 1693-94. Il ne faut pas, pour autant, en minimiser l’impact : ce sont encore,  dans la paroisse des Infornats, cinq « chefs de famille » qui disparaissent brutalement ! Et, intervenant  quinze ans après la catastrophe de 1693-1694, dans un contexte où la population, tant d’un point de vue démographique qu’économique et social ne s’est pas encore relevée de la crise antérieure elle provoque un  effet cumulatif qui majore sa forte « magnitude ».

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Et pour finir, la grêle en 1712

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              Et, manque de chance pour l’Albigeois, trois ans plus tard, en 1712, fin juin et début juillet, une calamité météorologique, non évoquée jusque là, les orages de grêle, détruit les récoltes dans 70 communautés du diocèse. A l’aune des décès, la paroisse des Infornats ne semble pas avoir été touchée : 4 décès en 1712 et 5 en 1713, pas plus que celle de Naucelle et même à Albi, la mortalité n’augmente pas autant qu’en 1710 (481 morts en 1713 contre 967 en 1710) car les autorités ont sans doute pu se procurer des grains assez facilement puisque la grêle n’a frappé que quelques paroisses de la région albigeoise  et surtout … il n’y eut pas d’épidémies. Malgré l’absence de pic de mortalité notable,  nous avons pourtant un document qui montre que la communauté de Jouqueviel a bien été touchée par la grêle  et que le souci de se procurer de grains, non pas pour la nourriture mais pour les semences, était très présent.

          

 

«  Monseigneur

         Après avoir inutilement tenté tous les moyens imaginables pour faire trouver aux habitans de la communauté de Joqueviel du blé pour ensemencer leurs terres je suis forcé de recourir avec eux et pour eux à la charité de votre grandeur en la suppliant très humblement Monseigneur de vouloir bien leur accorder ou leur faire donner par monsieur le sindic de votre diocèse un secours sans lequel l’entière communauté ne peut en aucune façon éviter la perte totale et absolument irrémédiable.

              Depuis la grêle qui leur a généralement enlevé toute sorte de grains et de fruits, tous les raisins, tous les chamvres, en un mot tout ce qu’ils avoient sans exception de la moindre denrée, je les ay continuelement exhortés par mes letres a labourer leurs terres et a les bien préparer à la semence suivant les ordres qui ont été adressés à cet égard par monsieur de Breil notre oeconome à monsieur le curé de Joqueviel de la part de votre grandeur. Les bonnes gens naturelement très laborieux ont si fort espérés avec moy, en votre charitable et toute puissante protection que malgré leur misère extrême ils ont mis toutes leurs terres dans le meilleur état qu’on puisse imaginer pour recevoir la semence et la faire fructifier ; les terres étant ainsi préparées je vins exprès en ce lieu au commencement du mois dernier pour faire faire une délibération par laquelle tous les habitants sur tout les principaux et plus solvables, s’obligèrent solidairement au payement de la semance qui serait fournie à toutes les conditions que les prêteurs voudroit exiger. Ayant été contraint d’abord après de retourner en Rouërgue je donnay ordre aux deux députés de la communauté d’aler présenter cette délibération à monsieur le sindic et de presser autant qu’il serait possible le prest du blé nécessaire et son transport sur le lieu. Ils ont déjà fait trois voyages à Alby pour ce suiet. Les deux premières fois monsieur le sindic leur promit de cinquante à soixante sacs de seigle pour cette semance et de venir lui-même sur les lieux pour la faire distribuer ; mais y étant retournés en dernier lieu pour le prier de se ressouvenir de cette promesse  et de vouloir bien l’exécuter il leur dit avoir receu des ordres contraires. Il est néant moints évident que le deffaut de semance est un dommage aussy certain que considérable non seulement pour cette communauté dépourvue de toute autre ressource puisqu’il n’y reste plus d’arbres fruitiers mais pour tout le diocèse par l’impossibilité absolue où la communauté sera par la réduite de payer la taille non seulement cette année mais la prochaine mais même alavenir par une suite évidement nécessaire qui ne peut que la forcer à un entier abandonnement. Je vous assure Monseigneur que ce n’est qu’à la dernière extrémité que je me détermine à importuner votre grandeur et que je ne m’y résoudrai pas s’il ne m’était absolument impossible de donner à ces pauvres gens du blé à semer, mais au lieu d’en avoir peu recüillir un seul grain de rente ny autre dans toute cette communauté j’ay été contraint d’en acheter pour ensemencer deux métairies* assez considérables que j’y possède dont il faut que je nourrisse bien chèrement et à pure perte les métayers et autres travailleurs jusqu’à la récolte de l’année prochaine ; et par surcroit la grêle et les broüillards m’ont aussy privés pour cette année de presque tous les revenus de mes autres petites terres de rouërgue ; c’est ce qui me met dans la nécessité indispensable de vous demander  comme la vie, Monseigneur la grâce d’exercer votre charité en faveur de cette misérable communauté en luy pretant ou en luy faisant prêter de quoy ensemancer ses terres. Je me charge volontiers d’en faire moy même la distribution avec toute l’exactitude possible et de faire payer de même à la récolte prochaine le blé qui sera prêté aux conditions qui seront convenuës sans aucun embarras pour le prêteur ; par ce secours paternel Monseigneur vous éviterez l’entière ruine de cette communauté et pour vous-même la perte (sans cela infaillible) de cinq cent livres à quoy votre seule portion de dîme** est affermée dans la parroisse de Joqueviel sans conter la portion*** de monsieur le curé qu’il vous faudroit nourrir à pure perte pendant l’année qui suivra la récolte prochaine et même pendant les suivantes puisque sans semance il ne saurait y avoir ny récolte ny dîme ; comme votre très respectueux et très zélé serviteur je prends la liberté de vous représenter Monseigneur que votre intérest temporel s’y trouve afin que monsieur votre économe y fasse attention ; mais je suis parfaitement convaincu que vous êtes sans comparaison plus sensible aux motifs de charité ; c’est d’elle que j’espère tout avec une entière confiance. Je suis, avec tout le respect, toute la soumission et tout le zèle possibles

Monseigneur

De votre grandeur

Le plus humble et le plus

obéissant serviteur.

Lettre d’Alexandre de Faramond****, à l’archevêque d’Albi*****, 10 octobre 1712.

 

 

* Domaine agricole cultivé par un métayer qui partage la moitié des récoltes avec le propriétaire. Il s’agit probablement ici des domaines de la Robertié et du Vergnet.

** La dîme est perçue par l’Eglise, elle correspond à environ 10% des récoltes mais ce taux varie selon les régions et les produits.

*** Allusion à la portion congrue, part de la dîme reçue par les curés (300 livres à cette date)

**** Seigneur de Jouqueviel (1689-1725) a succédé à son frère René qui a combattu contre la communauté des habitants jusqu’à sa mort en 1689. On voit dans sa lettre qu’il ne réside qu’occasionnellement à Jouqueviel et qu’il est beaucoup plus préoccupé par ses possessions en Rouergue (Balsac, Prades, Canet). Il faut dire qu’elles lui rapportent plus, nous le verrons plus précisément par la suite (chapitre sur la noblesse).

***** Henri de Nesmond.

 

           Petit chef d’œuvre épistolaire de demande de soutien, cette lettre illustre bien toutes les difficultés, notamment le sujet crucial des semences, lors d’une crise frumentaire dans une communauté rurale isolée. Le secours des autorités tant civiles que religieuses tardant à venir, le seigneur local se présente comme un recours ultime et utilise ses relations personnelles ou pour être plus exact « familiales » au sens très large (les membres du haut clergé se recrutent dans la noblesse)avec le pouvoir ecclésiastique. On ne sait ce que devint la démarche « charitable » du baron.

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Climat et société

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           Les excès du « petit âge glaciaire » sont à peu de chose près en ampleur ceux que nous connaissons actuellement (nous manquons tout de même de relevés abondants de données pour en être certain) mais dans un contexte inverse, celui d’un refroidissement au lieu d’un réchauffement climatique.

              Les moyennes des températures de la charnière XVIIe/XVIIIe sont inférieures aux nôtres mais les situations de crises météorologiques sont par définition en dehors des moyennes ! Ce sont des excès, des écarts de notre climat tempéré qui se produisent encore actuellement : le gel de 1956 ou de 1985 a peu de choses à envier à celui de 1709. Froid, inondations, chaleur, orages - toujours « exceptionnels » - et qui pourtant reviennent périodiquement, plus ou moins régulièrement, marquer l’histoire de notre climat mais ceux qui ont la mémoire courte pensent toujours « qu'on ne se souvenait plus d'en avoir vu de semblable » (thème récurrent des chroniques de l’Ancien Régime mais pas seulement …). En ce qui concerne la fin du règne de Louis XIV, on doit cependant souligner un concentré assez rare, pour ne pas dire unique, de mauvais temps sur une courte période. C’est particulièrement vrai pour 1693-94 qui voit s’enchaîner, en à peine deux années, trois épisodes excessifs de très fortes pluies, chaleur et froid qui se relaient créant une catastrophe agricole puis démographique, tout particulièrement dans notre région.

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              Les perturbations météorologiques (préférons le terme à climatique qui vaut pour le long terme) sous l’ancien régime économique mettent à nu les faiblesses des secteurs de l’agriculture et des transports, incapables de répondre aux effets des déséquilibres créés dans l’écosystème du moment. Ordinairement, la vitalité de la fécondité permettait de gommer la crise démographique générée par une mauvaise récolte. Mais, en 1693-1694, dans le Ségala, la morbidité fut si forte que la réaction nataliste n’a pas été aussi vive que lors des  autres crises de mortalités. Les dégâts économiques compagnes des crises (accentuation de la pauvreté, endettement, mendicité…), l’État les panse par des mesures ponctuelles qui ne résolvant rien sont répétées à chaque occasion. Là encore, les crises de la fin du règne de Louis XIV ont des répercussions économiques et sociales plus sévères qu’ordinairement dans ce type de situation hélas récurrent. C’est ainsi qu’on assiste à l’abandon des terres : les États du Languedoc en 1716 évaluent la taille des biens abandonnés à 80 000 livres. Malgré l’extraordinaire vitalité des populations de l’époque moderne, dans le Ségala comme partout en France, les plaies furent cette fois très malaisées à « panser » et la reprise beaucoup plus difficile que d’habitude.

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 Thierry COUËT , "Entre Viaur et Candour  1600-1789"

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