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Devis du 31 juin 1771 (Archives Départementales du Tarn, C 967) :

      « Le pont des Infournats sur la rivière du Viaur qui sépare la province du Rouergue de celle du Languedoc sert à ménager une communication essentielle* à ces deux provinces, il mérite pour cette raison d'être conservé et de faire touttes les réparations nécessaires il faut même faire plus il faut empêcher qu'il ne tombe et le rendre aisé à toutes sortes de voitures, les gens à pied n'y passent actuellement qu'avec crainte.

       Ce pont a une seule arche à tiers-point de quatorze toises** un pied** six pouces** d'ouverture [presque ving-huit mètres]. Cette arche qui n'a que onze pieds huit pouces de largeur [environ trois mètres soixante quinze] entre les deux testes est établie sur un massif de maçonnerie qui forment de chaque costé de demi avant et arrière becs qui sont élévés de douze pieds six-pouces au-dessus des eaux moyennes [un peu plus de quatre mètres]. Sur ces deux massifs est bâtie l'arche à tiers-point dont la clef est élevée de huit toises deux pieds [un peu plus de seize mètres] au-dessus des eaux moyennes, cette arche est composée de deux arceaux mis l'un sur l'autre chacun de deux pieds trois pouces d'épaisseur [soixante quinze centimètres environ] ce qui fait que l'épaisseur totale de l'arche est de quatre pieds six pouces [environ un mètre cinquante].

       Ce pont qui a la hauteur de cinquante pieds [seize mètres] n'a que onze pieds huit pouces [trois mètres soixante quinze] de voye comme il a été dit et dessus n' a point de parapet sur vingt six toises de longueur [environ cinquante mètres] et la rapidité de ses avenues marquées par la ligne pointillée B [allusion à un plan joint au projet] est d'un pied six pouce par toise [une pente de cinquante centimètres pour presque deux mètres] ce qui rend ce pont à tous égards impraticable.***

           Ce pont bien bâti pourrait supporter des parapets. »

           L’on distingue sur cette portion d'un plan annexé au devis de réparation du pont des Infournats,le hameau aux maisons groupées, d’où partent deux chemins d’accès aux vignes des versants sud, eux-mêmes raccordés à la voie venant de Canezac et qui dessert elle, le pont du Diable vers le Rouergue voisin .

         Sur le Viaur, la chaussée du moulin de la Soularié est bien visible mais le sentier muletier qui la relie au village n’est pas tracé.

        Si, pour le commerce interprovincial, avant les travaux du XVIIIe siècle, l’axe Toulouse-Rodez (route de Lyon) ignore Albi en passant par Villeneuve-sur-Vère, Monestiès et Pont-de-Cirou, ensuite, peu à peu, quand l’actuelle RN 88 est classée route Royale et progressivement améliorée, c’est cet axe et le pont de Tanus qui jouent le rôle le plus important pour le trafic commercial, en supplantant Pont de Cirou.  

André Soutou, « Une voie ancienne de Toulouse à Rodez », Pallas. Revue d’études antiques, 1961, pp. 97-107.

          C’est l’affaire d’un bon siècle : voir Philippe Delvit, « Itinéraires de terre et d’eau. Albi-Toulouse de Louis XIV à l’an 2000 » 1988, p 103 sq. Pour les ponts : Louis Malet, « Les ponts interprovinciaux sur le Viaur : commerce et développement local » in « A dos d'âne et toujours dans le bon sens. Ponts & viaducs du Tarn », Archives et patrimoine, 1994.

       Sur cette carte de 1632 de Melchior Tavernier on voit la route ancienne Toulouse-Rodez qui passe sur le Viaur par le Pont de Cirou et non pas par Tanus comme le fera un siècle plus tard la "route royale".

                Au total, sans être infranchissable, la rivière contribue cependant un peu à l’enclavement de la région et à son isolement. En fait, ce sont les fortes pentes des versants de la vallée qui contribuent tout autant, et même peut-être plus, que l’obstacle hydraulique, aux difficultés des transports : les chemins qui partent directement des « hameaux de versants » (Joqueviel, Mirandol, La Garde Viaur, les Infornats) ont une telle pente qu’ils sont quasiment interdits aux charrettes trop chargées qui ne peuvent être hissées sur le plateau malgré les efforts des bœufs. Pas étonnant que l’on préfère les convois de mulets dès que l’itinéraire comporte des passages un peu montagneux. Le résultat est évidemment un surcoût : à l’été 1790, les experts mandatés par la justice pour estimer les dégâts faits au château de Jouqueviel précisent bien dans leur devis pour en justifier le montant plus élevé que la moyenne : « Eu égart à la dificulté de transport des matériaux »

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               Il faut toutefois relativiser cet isolement car en réalité, - en dehors de quelques grands axes majeurs - il n’était pas facile à l’époque moderne, de se déplacer rapidement et facilement, dans le royaume, avec ou sans marchandises. Quand l’isolement et l’enclavement sont le lot de presque tous, le désavantage relatif est bien moindre ! Le développement des grandes routes royales (fin du XVIIIe) va modifier ce cadre et désenclaver une partie du territoire mais les effets ne s’en feront sentir qu’avec l’amélioration des moyens de transport. Le réseau à lui seul ne fait pas tout.

              En 1765, Toulouse est encore « à 16 jours de Paris » pour un voyageur en coche. Il faut attendre 1780 pour que les diligences fassent le trajet en huit jours (Pierre-Yves Beaurepaire, « La France des Lumières », Belin, 2011, cartes p 508-509).

 Thierry COUËT , "Entre Viaur et Candour  1600-1789"

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