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La mort en temps ordinaire

               Il faut d’abord rappeler que nos sources sont incomplètes en ce qui concerne  l’âge des décédés, qui n’est pas mentionné dans plus de la moitié des actes du dix-septième siècle et encore dans dix pour cent de ceux du dix-huitième. En outre, les prêtres ont la fâcheuse tendance d’être, comme tous leurs contemporains, fâchés avec les chiffres. Ainsi, ils arrondissent, sans état d’âme, l’âge de leurs paroissiens qui curieusement trépassent aux « chiffres ronds » : pour le dix-huitième siècle, sur les vingt-cinq habitants déclarés décédés à l’âge de 80 ans, nous avons pu retrouver la date de naissance de huit ; dans ce lot, un seul avait véritablement quatre-vingts ans, les autres s’en approchaient plus ou moins (de un à quatre ans d’écart négatif ou positif). Les décès à 70 ans, ou 60 ou 50 … connaissent la même inflation ou déflation. Donc, quand nous effectuons des calculs sur l’âge des décédés, il faut savoir, dès le départ du travail, que les résultats seront des approximations. Cela n’enlève rien à leur pertinence.         

                 Ainsi, l’on peut dire que l’âge moyen et médian des décès de la paroisse est de 35 ans ; c’est d’ailleurs à peu près l’espérance de vie moyenne en France au XVIIe. Nous avons déjà indiqué (voir supra la mortalité infantile) « qu’environ » (ce terme est systématiquement employé par les prêtres pour l’âge de leurs paroissiens, cette précaution veut tout dire …) un enfant sur trois n’atteignait pas l’âge adulte. Précisons que, sur les deux survivants, un seul a la garantie de dépasser l’âge de 60 ans (et peut être d’atteindre 80 ans ou plus) puisqu’un tiers des décès locaux du dix-huitième siècle se produisait dans la tranche d’âge des 20 à 60 ans.

                 Les variations annuelles du nombre de décès sont fortes et les pics de mortalités fréquents, liés à des poussées épidémiques (typhus, thyphoïde, dysenterie, variole, diphtérie, on a le choix … sans parler de la peste qui a encore sévi en 1628-32) ou bien à des crises frumentaires comme celle qu’a notée dans les registres paroissiaux, le doyen Balssa : « La misère fut générale en 1778. Le seigle valu 18 livres et jusqu’à 24 livres. Point des fruits. Peû du vin et des chataignes. ». Bien sûr, cette année là, le nombre de décès augmenta (à l’automne surtout, la plus mauvaise période de l’année pour la mortalité) mais dans des proportions qui n’ont rien à voir avec les crises démographiques que vécurent les habitants au tournant des deux siècles (voir le chapitre spécifique).

 Thierry COUËT , "Entre Viaur et Candour  1600-1789"

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